L’Auberge des saisons perdues

Avis principal par Beldaran

C’est en 2015, avec l’excellent one-shot Les deux Van Gogh publié aux éditions Glénat que nous avons découvert le travail de Hozumi. Il aura fallu attendre 10 ans pour lire un autre titre de l’autrice, grâce aux éditions naBan, la trilogie L’auberge des saisons perdues. C’est une série parfaite pour la saison et en plus, le dernier volume sort demain : qu’attendez-vous pour vous lancer ? (Oui, j’ai adoré la lecture des deux premiers tomes et je suis impatiente de connaitre le fin mot de l’histoire).

L’auberge des saisons perdues vous accueille à toute heure du jour et de la nuit qu’importe la saison grâce à un personnel quelque peu déroutant mais efficace, à l’image de sa patronne et du concierge.

Le premier tome est construit de manière particulièrement intrigante et intelligente. En effet, le personnage principal du tome est l’auberge elle-même, si je puis écrire, car c’est elle qui relie les six histoires qui mettent à nu des sentiments humains puissants qui ont conduit les différents hôtes en ce lieu mystérieux. Ces femmes et ces hommes arrivent à l’auberge car ils ont perdu quelque chose. En peu de cases, l’autrice décortique les moments clés de la vie de ces personnes, ce qui lui permet d’exposer les travers et autres biais humains. Par conséquent, ils ne sont pas tous attachants, car justement ils ne sont pas parfaits. D’ailleurs, dans le tome 2 il y a une réflexion pertinente sur la notion de bien et de mal au cœur de l’auberge.

A l’image des hôtes, nous nous interrogeons sur le lieu qui a tout d’une auberge traditionnelle, au fonctionnement bien huilé. Matsûra conduit les hôtes jusqu’au portail où ils sont récupérés par le concierge et ils croiseront au détour d’une cloison, l’étrange patronne qui semble assez désœuvrée. Le tome 1 plante le décor et une ambiance singulière, un peu oppressante, hors du temps et mélancolique. L’histoire n’oublie pas de piquer notre curiosité en ce qui concerne le personnel dont la patronne qui questionne le plus.

La mise en place du deuxième tome pourrait laisser penser que nous repartons sur le même rythme que le premier mais c’est différent. En effet, l’histoire s’attache à exposer le récit de certains membres du personnel de l’auberge, en ayant pour fil rouge la patronne. Patronne qui change dans ce volume et qui intrigue encore plus notamment par rapport à son lien avec un autre personnage. Oui c’est obscur mais je ne peux en écrire plus, sans risquer le divulgâchage. Nous glanons des indices sur la patronne et nous échafaudons des hypothèses.

J’ai apprécié toute la réflexion autour de la création et notamment autour des rêves des artistes, souvent rattrapés par une réalité amère, consumériste.

La dernière page du volume 2 donne terriblement envie de connaître la suite.

Si l’histoire nous entraine avec autant de facilité, c’est en parti grâce aux dessins qui accentuent, renforcent l’ambiance mélancolique du récit. L’auberge est perdue au milieu de nulle part et le nulle part a un aspect vaporeux, ce qui rend la bâtisse solide, bien ancrée, bien réelle dans ce lieu étrange. Le travail sur les personnages est particulièrement soigné. Leurs expressions sonnent justes et sont parfaitement retranscrites. Le découpage donne du rythme à une narration déjà bien maîtrisée.

L’édition est excellente. Le papier est souple, très légèrement transparent et la qualité d’impression est très bonne. Le titre français est bien trouvé et beau. La traduction, signée Anaïs Fourny, est tout simplement parfaite.