Autant en emporte la brume

Autant en emporte la brume

Résumé :

Natsuko est une enfant heureuse. Grâce à son père, travaillant pour l’industrie du lait, elle vit loin du besoin et de la misère. Mais quand un jour, à l’occasion d’un voyage à Hokkaido, elle rencontre une mystérieuse jeune fille dans la brume, elle pourrait bien découvrir certains secrets de famille dont elle ignorait tout. Quel impact aura cette rencontre sur sa vie ? Quels sont les drames qui ont bousculé le passé de sa mère ? Au fil des jours, des mois qui passent, Natsuko devra grandir bien plus vite qu’elle ne l’aurait cru…

Avis principal par Maccha

Après Le Clan des Poe de Moto Hagio, la collection Héritages des éditions Akata dédiée à des œuvres dites patrimoniales s’enrichit avec la sortie simultanée de Confidences d’une prostituée de Takao Saitô, et Autant en emporte la brume d’Eiko Hamamura auquel nous nous intéressons ici en particulier.
Grande autrice du shôjo et du josei, c’est la première fois qu’une des œuvres de la mangaka est publiée en France et l’artiste a été mise en honneur également dans l’exposition Art Shopping Paris du 20 au 22 octobre 2023 au Carrousel du Louvre, présentant des reproductions de ses illustrations.
Initialement prépublié au Japon dans le Shûkan Margaret entre 1966 et 1967, le manga Autant en emporte la brume a paru dans son intégralité pour la première fois pour une réédition à l’occasion de la 51ème anniversaire du début de la carrière d’Eiko Hanamura en 2007. Les éditions Akata semblent se baser sur celle-ci pour la version française. Une très belle édition souple avec les deux premières pages présentant des illustrations en couleurs. Le tome contient l’histoire de 394 pages et une trentaine de pages d’interviews avec Eiko Hanamura, Isamu Kuramochi (ex-éditeur de Shûkan Margaret) et Yukari Fujimoto (éditrice et critique), et une interview exclusive réalisée par Bruno Pham des éditions Akata avec Hiroko Hanamura, la fille de la mangaka, en novembre 2022. Le manga a été adapté également en un roman et en une série télé.
L’histoire débute avec Natsuko et sa mère Yûko qui doivent partir de Tokyo pour rejoindre le père de famille à Hokkaido pour l’hiver. Arrivée à Hokkaido, la brume froide du fleuve Kushiro fait remonter en surface les souvenirs qui font souffrir Yûko, des souvenirs d’une jeunesse dans la précarité, d’un amour nommé Akira qu’elle a dû quitter et d’un bébé perdu. C’est une femme qui a connu beaucoup de malheurs dans le passé et essaie de préserver sa fille. Quant à Natsuko, c’est une jeune fille de 12 ans, de nature joviale et un peu romantique. Elle rencontre Rika, une belle jeune fille solitaire, qu’elle surnomme « la fée de la brume ». Elle est fascinée par elle dès leur rencontre et une amitié nait entre les deux filles. On devine l’identité de Rika rapidement. Cette dernière a toujours un air triste et mélancolique et ressemble à Yûko. Elle n’a jamais connu sa mère et elle s’inquiète pour son père Akira, un père doux et attentionné qui croule sous des dettes…
On peut dire que les deux jeunes filles et Yûko sont les trois personnages principaux de cette histoire, même si de temps en temps on a le point de vue d’Akira et de Fuyuki, un ami de Natsuko à Hokkaido qui s’inquiète pour elles et pour lequel les deux filles ont un faible. On a aussi, M. Ichijô, le père de Natsuko, qui semble être un homme bon même s’il est plutôt peu présent et un peu absorbé par l’expansion de son entreprise au détriment de sa famille. Pour Rika, Natsuko semble tout avoir, une mère aimante, un amoureux attentionné, tout ce dont elle rêverait. Cependant elle apprécie Natsuko et souhaite qu’elle soit heureuse. Les personnages souffrent de ne pouvoir dire ce qu’ils ont sur le cœur et essaient de mettre leur chagrin de côté afin de préserver les autres, à part Natsuko qui ignore tout ce qui se passe autour d’elle. Puis elle commence à comprendre les choses. Les secrets de famille se révèlent et dans la deuxième partie de l’histoire les rôles semblent s’inverser. Suite à toutes les épreuves qu’elle vit, Rika murit alors que de son côté Natsuko a l’impression qu’elle perd tout ce qu’elle avait. Les deux jeunes filles ont du mal à trouver leur place dans leur famille. Le comportement de Natsuko est un peu agaçant dans cette partie ; alors que Rika, ses parents et ses amis essaient de la soutenir, elle les rejette et cela crée une distance entre les personnages. C’est triste de la voir ainsi alors que Rika de son côté évolue, cependant on peut la comprendre. Elle perd ses repères, se sent trahie et ne sait plus qui croire. Comme le fait remarquer Fuyuki, aucun personnage n’est foncièrement mauvais dans cette histoire,  tous ont souffert à cause des actes égoïstes d’un homme qui fait face à des remords et ils se blessent mutuellement. Au fond, ils se sentent tous seuls. Mais le bonheur n’est peut-être pas loin, même si elle reste fragile…
L’histoire est un mélodrame authentique avec une narration lyrique et littéraire qui fait son charme. Certaines scènes et gestes sont presque théâtraux mais bien expressifs. L’ambiance me rappelle un peu les films des années 60-70. J’aime bien le style vestimentaire qui semble sortir d’un magazine de mode de l’époque; Natsuko avec un look un peu garçonne avec ses cheveux courts et des pantalons, et Rika une belle jeune fille avec des jupes et des cheveux coiffés. On voit un peu aussi les danses Rock ou le go-go dancing des années 1960. Il y a aussi un côté naïf des œuvres de cette époque je trouve, comme la manière de penser des personnages qui ressentent une certaine gratitude malgré tout avec une culpabilité et aussi la prévisibilité de certains points du scénario.
Les paysages sont également beaux, entre la forêt, la vue du lac Akan devant les montagnes, ou le Cap Emiro. La brume donne un côté romantique et poétique, avec Natsuko qui la trouve romantique, Yûko apporteur de mauvais souvenirs et Rika qui se console et se sent apaisée dans cette brume.
J’ai aussi eu l’impression de lire un manga qui se déroule aux Etats-Unis, avec le critique du système capitaliste et du monde des affaires qui menacent le ranch et les terres d’Akira.
Les liens familiaux et les liens du sang font partie des thématiques importants du récit. On retrouve tout au long les réflexions sur l’amour maternelle et paternelle, les liens du sang et un amour plus profond que les liens du sang, les liens entre les mères et les filles. La mangaka ayant vécu dans une famille peu commune, cela semble être un sujet cher à son cœur.
Les interviews en fin de tomes nous apprennent beaucoup de choses intéressantes, sur l’œuvre et la réalisation de certaines scènes de l’histoire, sur la mangaka, les revues, le monde de l’édition de l’époque et sur l’histoire du manga et celle de shôjo.
Devenue mangaka un peu par hasard, Eiko Hanamura a contribué au shôjo sur plusieurs plans, a été novatrice sur le plan graphique avec les longs cils et l’inspiration par la mode, mais aussi au niveau des thématiques qui étaient limités à l’époque dans les shôjo, en apportant plus de maturité grâce au personnage de Yûko. C’est aussi surprenant de voir que les choses qu’on a tendance à associer aux shôjos aujourd’hui n’étaient pas courantes à l’époque (les shôjo créés par les femmes, les longs cils, le thème romantique…)
Fiche réalisée grâce au service de presse des éditions Akata.
  • Scénario
  • Dessin
4

Résumé

Il était temps de découvrir Eiko Hanamura dans nos contrées, une mangaka qui a tant contribué au manga shôjo, tant au niveau graphique que par les thématiques. C’est une œuvre mélodramatique avec une narration lyrique qui fait son charme. Les interviews en fin du volume nous permettent d’apprendre plus sur l’histoire de manga shôjo et le monde de l’édition de l’époque, en plus de la mangaka et de l’œuvre en elle-même. Un bel ouvrage de 415 pages qu’on devrait avoir dans sa bibliothèque.

Envoi
User Review
0 (0 votes)

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée.

:bye: 
:good: 
:negative: 
:scratch: 
:wacko: 
:yahoo: 
B-) 
:heart: 
:rose: 
:-) 
:whistle: 
:yes: 
:cry: 
:mail: 
:-( 
:unsure: 
;-)