Avis principal par Beldaran
En juillet dernier, une nouvelle série est venue enrichir la très bonne collection Life des éditions Kana, Entre les lignes. Cela nous permet de découvrir, enfin, le travail tout en finesse de Tomoko Yamashita avec sa dernière série en date. Le manga est toujours en cours de publication au Japon aux éditions Shôdensha avec 8 volumes au compteur. Il s’agit de la deuxième œuvre de la collection Life que je découvre et je pense que celle-ci en incarne parfaitement l’esprit. J’ai adoré. Je suis impatiente de lire le tome 2 qui sort dans une quinzaine de jours.
Le titre français choisit par l’éditeur est parfait. Il présente ce qui attend le lecteur, un récit tout en pudeur et en non-dits qui m’a totalement captivée mais qui ne plaira pas forcément à tout le monde.
Le premier chapitre dévoile une cohabitation bien huilée entre une lycéenne, Asa, et une femme plus âgée, Makio. De ce binôme singulier dont nous ne savons rien, se dégage une simple et réelle complicité malgré leurs échanges limités.
Les chapitres suivants nous ramènent trois années en arrière, au moment de leur rencontre. Nous découvrons leur lien de parenté et la manière dont Makio accepte la jeune fille chez elle, presque sur un coup de tête. Leur rencontre a quelque chose de singulier. Elle s’effectue dans des circonstances dramatiques pour Asa qui vient de perdre brutalement ses parents. Makio semble retrouver sa famille et donne le sentiment d’être à l’écart. Cependant, de manière maladroite, elle guide la jeune fille sur le chemin du deuil en lui indiquant de tenir un journal. Les propos de la trentenaire qui paraissent décalés, d’une certaine façon, sonnent juste pour Asa, totalement perdue. La thématique est lourde, la question du deuil, les liens familiaux mais l’autrice la traite avec justesse, sans pathos et avec une grande finesse d’écriture. Certaines scènes allègent l’atmosphère douce-amère et je pense tout particulièrement au passage sur la bassine qui est incroyable. J’ai été totalement séduite par la narration qui s’appuie sur les silences, sur les écrits et sur la cuisine.
Le récit est intimiste. Il sort rarement de l’étroit appartement ce qui renforce son étrangeté mais c’est ce qui le rend captivant.
L’histoire est portée par le duo, Asa et Makio. Asa est perdue. Elle ne sait pas ce qu’elle doit ressentir face au drame qui la touche. La collégienne est touchante. Elle est intelligente et s’adapte au mieux à sa nouvelle situation et à sa colocataire qui est une grande timide. Makio, 35 ans, vit sa vie de solitaire à sa façon. Son métier, écrivaine, fait qu’elle quitte peu son logement. Elle peut paraître détachée par rapport au malheur d’Asa mais elle l’épaule à sa façon, maladroitement. C’est un personnage atypique, très attachant. Je suis impatiente de découvrir l’évolution de leur relation.
Les graphismes sont très épurés. Cela peut surprendre mais l’autrice va à l’essentiel et cela sert le récit. Tout est dans le détail, les éléments choisis. Je trouve le résultat pertinent. Le travail sur le regard des jeunes femmes est fascinant. J’ai apprécié le design des personnages tout en sobriété.
L’édition est dans les standards de l’éditeur. En revanche, j’ai eu du mal avec la traduction de Pascale Simon. Certaines formules font forcées et rendent la lecture désagréable.
Fiche réalisée grâce au service de presse des éditions Kana.
Tome 2 par Beldaran
Le troisième tome sortira dans deux petits jours donc j’en ai profité pour lire le deuxième. Pas de surprise, j’ai adoré la lecture. Je pense que ce volume est encore meilleur que le premier. J’ai savouré la finesse d’écriture et le travail effectué sur les personnages. C’est vraiment excellent.
Le volume s’ouvre sur Makio et Asa qui s’apprêtent à attaquer le rangement de l’appartement des parents de la jeune fille. La mise en scène est parfaite. Tous ces objets en attente ou les plantes mortes, indiquent que le temps s’est brusquement arrêté. Asa semble toujours détachée, incapable de pleurer la mort de ses parents mais sa tante trouve toujours la formule juste pour l’épauler. Cette dernière fait des adieux discrets à une sœur qu’elle détestait. C’est grâce à quelques bribes de souvenirs et phrases assassines que nous saisissons les rapports conflictuels qui animaient les deux sœurs mais, le sentiment qu’il ne s’agit qu’une partie émergée de l’iceberg, persiste. D’ailleurs cet élément est habilement traité au fil du volume. Makio paraît aux abois lorsqu’Asa la questionne au sujet de sa mère de manière frontale. Elle se renferme et pourtant après sa réunion avec ses copines et une comparaison hasardeuse, sa carapace se fissure. La dernière case est géniale.
Finalement, nous en apprenons beaucoup sur Makio, que nous observons par les yeux de sa nièce, d’une franchise candide, mais aussi par le biais de ses amies et d’un personnage, brièvement aperçu dans le tome précédent, que je suis heureuse de retrouver, Daigo. Le développement autour de la complexité des sentiments adultes est intéressant à suivre. Nous avons droit à un petit moment cuisine autour des bentos et il n’y a pas à écrire, la cuisine ça fait parler de choses très sérieuses.
Un bel équilibre se forme dans le traitement des deux personnages, Makio s’adapte comme elle peut et Asa ne sait toujours pas comment faire son deuil.
Le changement vient de son retour au collège. La future lycéenne calme et posée, explose quand elle comprend que tout le monde sait et que la nouvelle a été diffusée à cause de sa meilleure amie, Emiri. La colère la pousse à crier des horreurs. Elle est perdue, ne sait plus comment rentrer. C’est un passage bouleversant.
Makio est là pour l’aiguiller, toujours avec cette manière détachée et pourtant les petits gestes d’affection sont bien là.
L’autrice poursuit son exploration de la relation entre la tante et la nièce où chacune, malgré ses faiblesses, fait de son mieux. C’est un véritable plaisir de suivre cette tranche-de-vie qui sonne toujours juste et porté par des graphismes et un découpage efficaces.
Chronique réalisée grâce a service de presse des éditions Kana.
En conclusion
Le premier tome d’Entre les lignes s’est révélé être une excellente surprise. Je suis tombée sous le charme du récit tout en justesse de cette cohabitation. Coup de cœur !
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