Jinzaburô Kuchii, un samouraï de Kamakura, est exilé à Tsushima où il est chargé par la fille du gouverneur, Teruhi, de défendre l’île des Mongols. Au lieu de la peine de mort, les proscrits ont reçu l’ordre de servir de pions sacrifiables. Ils doivent tenir sept jours jusqu’à l’arrivée des renforts de Kyûshû, mais face aux armes et aux tactiques étranges des Mongols, le maître du clan Sô, Sukekuni, et son fils, Umajirô, se font tuer.
Alors que tous s’étaient résignés à perdre, Jinzaburô apparaît seul sur le champ de bataille, vêtu d’une ancienne armure. Source : Meian
Avis principal par Beldaran
Les éditions Meian continuent d’enrichir leur catalogue avec des récits historiques/militaires de qualité. Ainsi en novembre dernier, nous avons pu découvrir les deux premiers volumes d’Angolmois – Chronique de l’invasion mongole qui nous entrainent au cœur de la première vague d’invasion mongole qui a déferlé sur le Japon en 1274 et qui a touché plus particulièrement l’île de Tsushima. La première partie de l’œuvre est terminée en 10 volumes. Nanahiko Takagi s’est lancé dans une suite l’année dernière qui semble traité des affrontements qui se sont déroulés à Hakata.
Peut-être connaissez-vous déjà l’histoire notamment grâce à la très intéressante adaptation animée réalisée en 2018 par le studio NAZ et qui fut diffusée sur la plateforme Crunchyroll. Je ne pensais pas voir arriver le manga chez nous et je sors totalement conquise par la lecture des premiers volumes.
L’histoire nous propulse au cœur de l’époque Kamakura (1185-1333), considérée comme marquant le début de la période médiévale au Japon. L’auteur choisit de s’intéresser à l’épreuve la plus importante de cette période pour le pays, les invasions mongoles. En effet, depuis les années 1260 et la conquête du royaume de Corée (Goryeo), les mogols lorgnent sur le Japon et se lancent en 1274 en direction de l’archipel mais sur leur route apparaît la petite île de Tsushima qui fait office de mise en bouche.
C’est à ce moment précis que débute le récit et les enjeux sont clairement présentés dans le premier tome, les habitant de l’île doivent tenir avec l’aide plus ou moins volontaire d’exilés arrivés sur Tsushima quelques temps avant le début de l’invasion. Le reproche qui pourrait être fait, concerne la contextualisation de l’œuvre qui est légère car nous sommes plongés directement au centre de l’action. Certes, cela offre un récit dynamique et prenant mais qui peut déstabiliser au début, donc je conseillerai de faire quelques recherches pour comprendre ce contexte et mieux appréhender certaines figures historiques comme Minamoto no Yoshitsune.
Le premier tome permet de brosser rapidement l’intrigue principale du titre et d’avoir une vision d’ensemble des différents protagonistes. L’ambiance est particulièrement bien rendue avec une tension qui monte crescendo jusqu’aux dernières pages, animées d’un premier combat réellement sanglant où les mongols font parler des armes d’un genre particulier. Le début des hostilités est véritablement lancé à la fin du tome. La défense de Tsukishima se cristallise autour d’une figure précise, un des exilé et ancien samouraï, Jinzaburô Kuchii dont l’intervention marque un tournant dans l’affrontement.
Le deuxième volume nous ramène au centre de l’action avec un Jinzaburô étincelant qui commence à dévoiler son jeu, notamment en tactiques militaires. Pour le moment c’est léger mais cet aspect devrait être plus mis en avant par la suite. L’auteur nous permet de souffler en nous proposant un flashback sur l’ancien samouraï qui a démontré qu’il était un grand guerrier, loyal et terriblement redoutable avec un sabre. Le personnage intrigue de par sa vision claire et sans concession de la guerre et son comportement flegmatique. Je suis impatiente d’observer la suite de la mise en place du personnage.
Jinzaburô forme un duo, d’une certaine façon, avec Teruhi, la fille du gouverneur qui peut paraître superficielle de prime abord mais qui révèle une sacrée force de caractère et un désir farouche de protéger son peuple. Il y a un élément passablement prévisible qui se développe dans le tome 2 mais qui ne prend pas trop de place pour le moment.
Nanahiko Takagi enrichit son récit avec l’apparition de la figure du purificateur qui apporte une dimension quelque peu mystique à l’histoire mais son rôle interroge. L’auteur continue de s’appuyer sur des personnages historique, côté mongol, avec notamment Kim Bang-Gyeong qui viennent donner de l’épaisseur au récit.
Ces deux premiers tomes sont réellement bien rythmés, permettent de saisir les enjeux du récit qui est véritablement prenant.
L’aspect immersif de l’histoire est renforcé par une mise en scène dynamique et des graphismes très soignés. Le trait de l’auteur est fin, précis et incroyablement détaillé, en témoigne le soin apporté aux armures ou aux navires de guerre.
L’édition est vraiment bonne avec un très beau travail sur la jaquette. Le premier tome propose des premières pages en couleurs. Le papier et l’impression sont de bonne qualité. La traduction, signée Marina Sanchez est dans le ton. En revanche, je regrette l’absence de notes explicatives pour certains éléments historiques et personnages.
Fiche réalisée grâce au service de presse des éditions Meian.
Tome 3 par Beldaran
Le récit reprend à la fin de l’attaque nocturne des japonais sur la plage de Sasu. Ils s’en tirent grâce l’intervention des hommes du Purificateur et amorcent la retraite, en ayant pris soin de récupérer les villageois prisonniers. Cependant le vice-maréchal, Fuheng Liu s’invite à la fête et complique le repli. Ce personnage puissant est rapidement introduit mais nous devrions le retrouver plus tard.
Ce volume est d’une certaine façon plus calme que le précédent. Le peuple de Tsushima fuit vers la capitale espérant trouver la protection des palissades et peut-être même un peu de repos. Malheureusement, avant de poursuivre vers Hakata, les mongols ont décidé de passer du temps sur l’île et les habitants prennent conscience de manière tragique que leur espoir s’amenuise.
Profitant de la légère accalmie, l’auteur continue de dévoiler ses personnages dont Jinzaburô et Teruhi. Cette dernière, blessée lors de l’assaut nocturne, ronge son frein, dévastée par une rage impuissante et la tristesse quant au sort de son peuple. Elle fait preuve d’un courage téméraire et démontre qu’elle n’est pas là pour faire potiche. Elle sait se battre. L’exilé Jinzaburô prend toujours ses compagnons d’infortune à contre-pied, démontrant qu’en plus d’être un redoutable guerrier, il veille à garder le moral des habitants dans de bonnes conditions malgré la situation difficile et les trahisons. Finalement, il apparaît être totalement dans son environnement, prodiguant soin (la tête de Teruhi) et le mot juste.
Nanahiko Takagi n’oublie pas de développer son univers, ainsi nous découvrons des coutumes locales, propres à l’ile de Tsushima et nous apprenons plus sur les transformations de la lance japonaise, de la période Yayoi à l’apparition de la première yari à l’époque de Kamakura. L’auteur parvient à insérer ces informations de manière fluide dans l’histoire ce qui la rend d’autant plus intéressante. Les mongols ne sont pas en reste. Par petites touches, cette puissante et énorme armée se dévoile, nous renseignant sur les différentes ethnies qui la composent. On note le soin méticuleux qui est apporté à leurs représentions, de leur costume à l’armement. Cette diversité de l’armée mongole deviendra sûrement un élément important pour la suite.
Le dernier chapitre remet l’action à l’honneur et la tension monte d’un cran depuis que les habitants ont pris la décision de se diriger vers la baie d’Aso. C’est une fatigante et angoissante course poursuite qui les attend.
Heureusement, Jinzaburô fait parler sa pratique militaire et développe une stratégie qui devrait retarder leurs poursuivants. C’est brillant et implacable. Cependant, le général mongol, Edei Uriyan a plus d’un tour dans son sac et la situation devient rapidement intenable pour les combattants japonais. C’est sur cette redoutable incertitude que se conclue le volume.
Les graphismes sont toujours aussi bons et renforcent l’immersion notamment la représentation du terrain pour l’affrontement du dernier chapitre, grâce à de judicieux angles de vues. Il y a de sacrées pleines pages.
Avec ce volume, c’est une phase de repos qui est offerte aux personnages, même si la tension persiste. Cependant, les dernières pages ramènent l’action et la suite s’annonce périlleuse pour les japonais.
Chronique réalisée grâce au service de presse des éditions Meian.
Tome 4 par Beldaran
Le volume précédent se terminait sur une phase tendue entre les fuyards japonais et les envahisseurs mongols menés par Edei Uriyan.
Teruhi brille par son sang-froid dans les premières pages prête à accomplir son devoir mais à la guerre les choses se passent rarement comme prévue. La même remarque peut être appliquée à Yajirô Abiru, le frère adoptif de la princesse qui se révèle, au cœur de cette situation critique, être un véritable meneur d’hommes.
Nanahiko Takagi ne ménage pas ses personnages et exploite, dévoile l’horreur de la guerre avec brio, dans des planches terriblement marquantes et sanglantes. Encore une fois, une nouvelle arme fait son apparition ainsi qu’une tactique militaire qui fait gagner du temps aux japonais. Cette action démontre encore une fois que Jinzaburô garde une vision large sur l’affrontement et ne se cantonne pas à ce qui se trouve devant lui. Il est capable d’anticiper certains éléments et de fait, cela nous permet d’en apprendre plus sur l’armée mongole. Finalement, il s’agit plus d’un conglomérat de différents peuples, ne parlant pas la même langue et qui ne fonctionnent pas de la même façon, ce qui rend le contexte explosif.
Cependant malgré les stratégies de l’exilé, il apparaît clairement que les japonais se trouvent dans une situation inextricable. Ils sont cernés de toutes parts et clairement en infériorité numérique. La solution viendra peut-être du mythique empereur Antoku dont Teruhi est la descendante directe. Ainsi les dernières pages basculent dans une atmosphère bien mystérieuse qui signe l’apparition d’un fameux personnage et la mention encore et toujours de Minamoto no Yoshitsune.
Avant d’en arriver à ce moment, l’auteur a glissé de manière habile un long flashback sur Jinzaburô et notamment sur l’évènement qui l’a conduit à devenir un exilé. C’est d’ailleurs un point que l’adaptation animée n’a pas très bien traité. La mise en place du focus sur le passé de l’ancien vassal de Kamakura nous permet de mieux cerner le personnage et de comprendre ses actions. Outre cet aspect, ce sont les connaissances, succinctes certes, que Nanahiko Takagi apporte sur Kamakura qui sont intéressantes, avec les intrigues entre les différents clans mais surtout la mise en lumière de Tokimune Hôjô, régent du shogunat de Kamakura. C’est un personnage central de l’invasion mongole qui doit apparaître, je suppose, dans la suite de la série qui devrait traiter de l’invasion mongoles dans la baie d’Hakata. D’ailleurs, peut-être que quelques lignes sur le personnage pour le resituer dans le contexte n’auraient pas été de trop.
En bref, l’histoire file de manière particulièrement fluide et reste captivante grâce à sa construction. Les dessins sont toujours aussi bons avec un traitement encore plus soigné des différentes armures et autres tenues de combat.
Chronique réalisée grâce au service de presse des éditions Meian.
Tome 5 par Beldaran
Après un tome riche en action, Nanahiko Takagi pose son récit, en prenant le temps de présenter la force de l’île, incarnée par les Purificateurs, groupe déjà aperçu dans les tomes précédents.
Les premières pages sont la suite directe de la rencontre entre Jinzaburô et la figure mythique de l’empereur Antoku.
Le chapitre concernant cet échange est auréolé de mystères. Grâce à un judicieux flashback sur le passé d’Antoku à la bataille de Dan-no-Ura qui opposait Minamoto (et donc Yoshitsune dont le nom est lié au poignard reçu par Jinzabûro) et les Taira. C’est brillamment mis en scène, surtout que l’histoire, laisse assez de place à l’autrice pour qu’elle l’arrange à sa sauce. Le début de tome fait office d’acceptation de Jinzabûro comme défenseur de l’île.
En revanche, je regrette l’absence de notes sur les évènements historiques et les personnages. N’ayant pas beaucoup de connaissances sur la période, j’ai eu la désagréable sensation de passer à côté de certains points.
La longue course-poursuite entamée depuis de nombreux chapitres, semble se conclure au château Kaneda, lieu construit et occupé par les Purificateurs.
La suite du volume s’intéresse à la présentation de ce peuple, son histoire et son mode de vie. Nous les découvrons d’abord via une technique de combat singulière puis à l’intérieur du fort qui semble cercler la montagne entière.
Takagi en profite pour rapidement présenter les structures retrouvées en fouilles. C’est très intéressant à observer. L’autrice a fait de nombreuses recherches et même si l’histoire est romancée, elle reste cohérente avec les vestiges conservés. La remarque vaut également pour les mongols dont nous découvrons un nouveau clan, de manière assez rapide.
C’est un passage instructif que j’ai réellement apprécié, qui permet aux îliens de souffler un peu et de retrouver l’espoir. Même si, Jinzabîro, en fin stratège, repère la faille évidente de la forteresse. C’est un point qui apporte un peu de tension mais qui finalement permet de souder les deux groupes. Cela met en lumière le changement qui s’est opéré en Jinzabûro qui prend à cœur la défense des habitants de l’île, chose qui n’échappe pas, aux autres exilés.
Finalement, alors qu’ils pensent être en sécurité, les relents de la trahison se sont infiltrés à l’intérieur des murailles et promettent une suite mouvementée et sanglante. Les mongols sont toujours là.
Les graphismes sont toujours aussi soignés et participent à l’effet immersif du récit. Nanahiko Takagi continue de dérouler son histoire de main de maître. La lecture reste prenante et la fin du tome donne clairement envie de lire la suite.
Chronique réalisée grâce au service de presse des éditions Meian.
Scénario
Dessin
4
En conclusion
Les deux premiers volumes d’Angolmois offrent une entrée en matière efficace et surtout captivante. Vivement la suite.
En conclusion
Les deux premiers volumes d’Angolmois offrent une entrée en matière efficace et surtout captivante. Vivement la suite.
User Review
0 (0 votes)